La lassitude ne m’aura pas
[puisque ma photo lors de mon intervention sur la place des nations samedi 31 mai a été publiée, autant que je publie mon discours. Le voici]
C’est depuis la fin des années soixante et les massacres perpétrés contre les palestiniens -massacres qu’on a appelés « septembre noir »- que je participe, inlassablement, à des manifestations de soutien au peuple palestinien.
Aujourd’hui, plus de 50 ans plus tard, je ne puis cacher ma lassitude.
Enfant de l’après-guerre, j’ai été bercé par l’idée que l’architecture de sécurité construite sur les cendres de 1939-45 nous mettrait à l’abri des horreurs connues par nos parents.
Jamais l’enfant d’alors n’aurait imaginé voir un jour ce que le vieil homme qu’il est devenu est obligé de voir!
Mais, jamais, le vieil homme d’aujourd’hui, n’aurait imaginé, il y a cinq ans encore, d’assister en direct et en mondovision à l’extermination planifiée de tout un peuple. Un peuple auquel l’agresseur nie carrément le droit de se définir tel, « peuple », puisque dans le langage des génocidaires les Palestiniens sont tour à tour Syriens, Jordaniens, Libyens ou que sais-je encore.
Aujourd’hui, je l’avoue, un sentiment d’impuissance m’envahit: malgré toutes nos manifestations, rassemblements, démonstrations, l’entreprise génocidaire de la junte fasciste réunie autour de Netanyahou se poursuit.
Certes, l’inaction de nos autorités n’est autre chose que complicité coupable.
Mais fallait-il s’attendre à une condamnation de la politique étasunienne au Moyen Orient de la part d’une présidente de la Confédération qui a dit toute son admiration pour le « très suisse et libéral » JD Vance?
Comment pourrait-elle prendre ses distances, elle qui a pris la défense d’un industriel esclavagiste dont la statue ne devrait pas être déboulonnée?
Car, si la traite négrière était licite pour le bien du capitalisme helvétique des siècles passés, pourquoi vider Gaza de ses habitants ne le serait pas autant si le but est d’en faire une sorte de Côte d’Azur sur le flanc Sud de la Méditerranée pour le plus grand bien des investisseurs?
On peut toujours espérer obliger celles et ceux qui nous gouvernent à se désolidariser d’Israël au nom des peuples qui, de manière de plus en plus prononcée, disent leur refus de la politique sioniste.
C’est pour cela qu’il faut continuer à manifester, à descendre dans la rue.
Mais, s’il ne faut surtout pas renoncer à mettre la pression sur les autorités, il est aussi indispensable de porter sur d’autres plans la bataille contre la junte fasciste constituée autour de Netanyahou.
Je m’explique. Par exemple, retraité de l’Etat de Genève, je découvre avec effarement que la CPEG -la caisse de retraite du personnel de l’Etat de Genève dont je suis membre comme tous les anciens employés de l’Etat- détient des parts de sociétés israéliennes directement impliquées dans la politique génocidaire de Netanyahou.
Je participe dès lors à une démarche d’assurés menée par mon syndicat pour que la CPEG retire au plus vite ses participations à ces sociétés, faute de quoi elle ferait de moi et de dizaines de milliers d’autres de ses membres, des complices malgré nous!
C’est aussi sur ce plan que les batailles doivent être menées. Pour que les avoirs du deuxième pilier -notre salaire différé, donc- ne soient pas mis au service de crimes contre l’humanité.
Il en va de même pour la défense des espaces d’expression de la solidarité, comme à l’université par exemple et pour la collaboration académique avec les universités israéliennes.
En effet, comment accepter l’interdiction intra muros des mobilisation en défense du peuple palestinien prononcée par une rectrice dont le mari, d’après la presse, détiendrait des participations directes dans l’entreprise militaire israélienne?
Comment accorder le moindre crédit aux invocations de la liberté académique de la part de ce même rectorat?
Il est de notre devoir de chacun et chacune de nous engager sur cette voie, sans craindre les accusations d’antisémitisme.
Car, aujourd’hui, le principal fauteur d’antisémitisme est celui qui prétend imposer un signe d’égalité entre « judaïsme » et « sionisme », j’ai nommé Binjamin Netanyahou.
Genève, Place des Nations le 31 mai 2025


