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Caisses maladie: Les yeux bandés et les mains attachées dans le dos


Paolo Gilardi, SSP-Genève

C’est en ces termes que Ruth Dreifus décrivait ce 5 novembre la marge de manoeuvre du Conseil Fédéral en matière de surveillance des caisses maladie.

Réunies par le comité unitaire qui s’est constitué en 2023 à Genève pour combattre les hausses des primes maladie, les plus de quarante personnes participantes à la soirée ont pu prendre connaissance des aspects positifs et négatifs de la LAMAL, écouter le bilan de cette loi établi par Ruth Dreifus et échanger sur les issues possibles à une situation qui frappe la majorité des salarié.e.s de ce pays.

Un échec programmé ?

C’est la question qu’a posée Jean Blanchard, du Mouvement Populaire des familles. Conçue par les services de l’ancien conseiller fédéral Flavio Cotti et mise en application dès 1996 par Ruth Dreifus, la LAMAL est la réponse à une succession de faillites de caisses maladie survenue durant la deuxième moitié des années 1970.

Elle institue l’obligation de s’assurer mais également celle de contracter : elle interdit aux caisses de refuser d’assurer des « mauvais risques », ainsi que cela était possible en vertu de la Loi précédente, la LAMA, en vigueur depuis 1911.

Et elle supprime aussi « les discriminations liées à l’âge et au sexe » : alors que jusqu’à 1996 les primes variaient si on était jeune ou vieux, malade ou en bonne santé, homme ou femme, avec la LAMAL tout le monde est mis sur un plan d’égalité, la seule discrimination admise étant déterminée par la franchise choisie.

C’est bien là que le bât blesse : le recours à des franchises élevées pour compenser la hausse des primes (qui, dans certains cas, ont triplé depuis 2015) pousse un quart des assuré.e.s à renoncer aux soins, voire un tiers pour les couches les moins aisées.

Et, évidemment, la fixation de la prime indépendamment du revenu joue un rôle important puisque les 630 francs de cotisation dans le Canton de Genève n’ont pas la même incidence pour une famille au revenu de 7500 francs brut par mois que pour un banquier privé, par exemple.

D’ailleurs, insiste Jean Blanchard, la LAMAL « n’a que peu d’influence sur les coûts de la santé[…] car elle ne s’attaque pas aux principales causes de ce phénomène ». Et d’énumérer les vrais causes : « la liberté de commerce qui s’oppose à la clause du besoin », la rémunération à l’acte ainsi que les prix « des médicaments brevetés  trop élevés »

Bridé par la « libre entreprise »

Alors que les coûts de la santé -12,4 milliards en 1996, 40,49 millliards en 2023- sont fortement impactés notamment par les prix des médicaments, la marge d’action du pouvoir politique est limitée. Si c’est l’Etat qui définit ce que l’assureur doit payer aux prestataires de soins, ce sont l’es assureurs et les prestataires qui décident des tarifications et du prix des médicaments.

D’après Ruth Dreifus, le pouvoir politique travaille « les yeux bandès et les bras attachés dans le dos », l’opacité étant le propre de la gestion par les caisses et les producteurs de médicaments dont l’impact sur les coûts de la santé est cinq fois plus grand qu’en 1996.

Ne pas laisser la place aux démagogues

Le contexte des hausses permanentes ouvre la voie à la démagogie de qui voudrait revenir sur les acquis de la LAMAL comme la proposition libéral-radicale de fixer des primes en fonction de l’âge.

C’est pourquoi l’assemblée a souligné l’urgence de proposer une initiative fédérale pour une caisse unique et sociale.

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