Archanges de l’Etat svelte
Genève, 2024 :
Archanges de « l’Etat …svelte[1] »
En une douzaine de petites pages,
le portrait de quelques uns des contempteurs de ces « privilégiés »
que sont celles et ceux qui n’ont pas leurs privilèges…
par Paolo Gilardi,
ancien syndicaliste,
(retraité mais pas résigné).
[Reproduction autorisée et fort encouragée]
Ces archanges de l’Etat svelte…
Vaisseau amiral d’une armada sur pied de guerre, un groupe de députés dirige les assauts contre
les dépenses publiques.
Radicalement libéraux,
quelle que soit leur affiliation partidaire, les voilà toujours à l’affût des
« dépenses superflues »,
des « inégalités de traitement par rapport au privé »
et des « privilèges du personnel de l’Etat ».
Faisons plus ample connaissance[2] avec ces archanges de l’Etat svelte que la Vertu budgétaire inspire…
Murat Julian Alder
C’est avec une rare perspicacité que ce colonel d’Etat major Général et député PLR constate que « Genève est le canton où les impôts, les loyers, les primes d’assurance maladie, les prix à la consommation, le taux de chômage et la dette publique sont les plus élevés de Suisse ».
De la constatation à la solution, il n’y a qu’un pas, un seul : « Notre canton doit alléger la charge administrative des entreprises », soit, en français, baisser leurs impôts ! Quant aux primes, aux loyers, aux prix, que voulez-vous, ça c’est l’économie, ce sont ses lois qu’il ne faut surtout pas contrarier…
D’autant plus que bailleurs, assureurs ou employeurs pourraient figurer parmi les clients de l’Etude d’avocat dont il est l’associé
Fils de diplomates, le jeune Murat a eu la chance de parcourir le monde et, du schwytzertutsch au turc, d’apprendre les langues ; de plus, de par les origines familiales, il peut également se prévaloir d’avoir connu de près d’autres cultures que la christo-calviniste.
Ce sont là des atouts-maîtres pour un avocat qui, de par son métier, pourrait aussi être amené à devoir faire affaire avec des financiers de la planète entière, chrétiens ou musulmans, hispano- ou turco-phones, « zum Biespiel »…
Spécialiste du droit du bail, du droit du travail, du droit des contrats et des poursuites et faillites, il siège, entre autres commissions parlementaires, à la fiscale, à la judiciaire et à celle du logement, qu’il fait à coup sûr bénéficier des compétences accumulées auprès de ceux qu’il représente.
Est-ce son éducation ou ses expériences multiculturelles qui lui permettent le recul, la prise de hauteur dont il peut parfois faire preuve dans la discussion de certains sujets ?
Ainsi, par exemple, lors du récent débat sur les rémunérations de directrices et directeurs -des HUG, de l’Aéroport, de l’IMAD-, tout en refusant la motion de la gauche visant à les plafonner, il avait pris une certaine distance et ne s’était pas associé aux jérémiades de ses collègues à propos de l’impossibilité supposée de recruter des cadres de valeur face à la concurrence salariale du privé.
Auteur d’un projet de loi accordant aux Régies publiques la compétence de fixer les rémunérations des dirigeants sans approbation du Conseil d’Etat, il expliquait que « c’est l’opacité sur les montants, et pas les montants qui nous avait choqués ». Ce n’est donc pas aux « salaires » de certains directeurs qu’il faut s’en prendre, mais au manque de clarté dans leur définition.
La fixation des salaires du personnel de l’Etat étant, elle, définie de manière très claire par la loi, c’est à ces derniers que mon Colonel a enfin pu s’en prendre, en refusant, lors du vote du Grand Conseil, de les indexer à l’inflation… ♦
Michael -Mike- Andersen
« Je ne respire et je ne vis que pour lui », disait de lui, Céline, « sa petite panthère » qui a « abandonné l’équitation, sa passion, pour se mettre au golf, sport de prédilection de Mike depuis qu’il est enfant ».
Lui ? C’est Michael Andersen, Mike, qui, devant un parterre de gens illustres, convolera avec la susdite Céline en 2021, le 11 septembre.
Conseiller fiscal, Mike Andersen, « la rigueur aux yeux d’acier » d’après la Tribune de Genève, n’est pas, parmi les députés, celui qui exhibe la plus longue liste des « liens d’intérêt », ces conseils d’administration et autres mandats dont d’aucuns font étalage.
Modeste, Michael Andersen n’en affiche qu’un, ainsi sobrement décrit : « Deloitte».
Citée en 2014 dans le cadre de l’affaire des Luxemburg Leaks et en 2017 dans celle des Paradise Papers -elle était accusée d’avoir aidé à l’optimisation fiscale opérée par la banque Blackstone- la britannique Deloitte est active dans 150 pays. Son chiffre d’affaires s’élevait en 2023 à 64,9 milliards de dollars alors qu’elle employait 415’000 personnes.
Pour Mediapart, Deloitte figurerait parmi les quatre entreprises « rouages indispensables de l’industrie de l’évasion fiscale ». Active dans l’audit financier, elle propose à ses clients « une vaste palette de services de fiscalité » et aide « les sociétés multinationales à aligner leurs stratégies fiscales » pour profiter des différences de régimes fiscaux entre pays et optimiser leurs impôts…
D’ailleurs, les beaux-parents de Mike et parents de Céline -avocats d’affaires jadis à la tête de feu « Carton rouge », l’association pour la défense du secret bancaire, et toujours assis sur une solide fortune- ont saisi ce différentiel pour s’établir, loin de « l’enfer fiscal genevois », à Monte-Carlo.
Selon les Pandora Papers, ils y auraient discrètement couvert les montages financiers d’un ex-ministre russe…
Accusations et soupçons n’ont pas empêché Michael Andersen de se lancer en politique au point d’être carrément propulsé candidat -malheureux- au Conseil d’Etat en 2023 et élu au Grand Conseil. Il y siège -pour le parti dont celle qui « ne respire et ne vit que pour lui » est vice-présidente nationale- dans les commissions des finances, fiscale, de la santé et des transports.
Fort de son expérience chez Deloitte, c’est dans ce cadre qu’il œuvre à défendre « le porte-monnaie des gens qui se lèvent tôt » en en réduisant la charge fiscale, ce qui ’était une promesse électorale du mari de la très matinale Céline -dont le magazine Bilan, estime la fortune à dix millions de francs…
Car, d’après lui, « Genève ne souffre […] pas d’un manque de ressources mais […] demeure [le canton] dont les charges sont les plus importantes », charges que l’adoption d’un projet de loi déposé fin janvier et dont il est le premier signataire réduirait massivement.
A la tronçonneuse ainsi que préconisé de l’autre côté de la mer océane ?♦
Diane Barbier-Müller
N’eût-elle pas indiqué son adresse de correspondance -c/o Pilet & Renaud, 2 Boulevard Georges Favon- on serait presque tenté de reconnaître à la jeune députée PLR un vrai pédigrée de Dame patronnesse.
Amie des arts -la fondation Bodmer-, des livres anciens et de la poésie italienne, Diane Barbier-Müller est aussi membre active des associations « Bienvenue » et « Educar ».
La première poursuit « un objectif de réinsertion professionnelle pour les personnes arrivées en fin de droits de l’assurance chômage » à travers d’« un service d’accueil […] dans les lieux de passage, [à] une réception et [à] des évènements. » Un service de « stewards urbains » quoi, assuré par des chômeurs en fin de droits …
L’autre, Educar es avanzar, fondée par les époux Murith, propriétaires de l’entreprise éponyme de pompes funèbres, collecte des fonds pour la jeunesse défavorisée d’Amérique du Sud à travers des actions telles qu’un rallye de 54 équipages de voitures d’époque parties de … Cologny à destination des clos du Beaujoulais.
C’est beau, ces richissimes au volant de voitures d’époque s’amusant, les cheveux dans le vent, pour le bien des enfants pauvres…
Toutefois, ce ne sont pas ces activités qui occupent le plus clair du temps de Mme Barbier-Müller. Vice-présidente de la chambre genevoise immobilière, la CGI, elle préside rien de moins que la … commission du logement du Grand Conseil -une fois encore, on n’est pas mieux servi que par soi-même-, en plus de siéger dans trois autres commissions, dont celle des finances.
Depuis 2020, Diane Barbier-Müller est membre du Conseil d’Administration de Pilet & Renaud, régie immobilière qui gère 1276 immeubles pour une valeur d’états locatifs de l’ordre de 274 millions de francs. Ainsi qu’elle le dit elle-même, « déjà au cours de ses études » elle a « pris conscience que [son] véritable intérêt se portait sur l’immobilier ».
Dès lors, elle a « gravi les échelons, monté des projets de A à Z et travaillé très dur » chez Pilet & Renaud, l’une des deux entreprises familiales, l’autre étant la « Société privée de gérance ».
Il y a de toute évidence des vocations plus contrariées…
Désireuse de « pouvoir faire un travail excitant, rapporter de l’argent à la maison, voir [sa] famille et [s’] engager en politique », elle multiplie les propositions.
Comme celle de continuer à admettre en école privée les enfants dès trois ans, d’assouplir les conditions pour les crèches non subventionnées, ou celle qui vise à modifier vers le haut le ratio en vigueur d’enfants à charge par adulte formé dans les crèches.
Estampillée « écolo », mais, puisque « la main-d’œuvre suffisante n’existe pas pour la rénovation thermique des immeubles », elle se dit « ouverte au recours temporaire au nucléaire ». Tant que ça n’explose pas, comme le projet de privatisation accrue des logements du PAV… ♦
Alexandre, Guillaume, Pierre de Senarclens
Ancien président du Parti libéral radical, Alexandre, Guillaume, Pierre de Senarclens préside la commission parlementaire de l’enseignement supérieur et fait partie de la commission de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et des sports.
Personne ne peut douter du fait que ce membre du comité de la Fondation de l’école privée Brechbühl sait y faire la part entre son intérêt privé -il est aussi directeur de la SI Toepffer, domiciliés auprès de …l’Ecole Brechbühl, au 3 rue Toepffer- et l’intérêt commun, tel le financement de nouveaux postes dans l’enseignement public, par exemple.
Dans la vie privée, Alexandre, Guillaume, Pierre de… est avocat associé à l’Etude Reiser spécialisée dans le droit des sociétés, bancaire, immobilier et en matière de « criminalité économique ». A ce titre, le site de l’Etude vante sa capacité d’aider les entreprises à éviter « le risque accru de faire l’objet d’enquêtes et de plaintes ».
Honni soit, toutefois, qui oserait soupçonner Me de Senarclens de défendre, en tant que membre de la commission fiscale du Grand Conseil, l’assouplissement de ces dispositions légales qui, justement, accroissent les risques de se faire pincer pour les entreprises.
Car, rayon « entreprises », il s’y connaît, Alexandre, Guillaume, Pierre de… : ’il est membre de la direction et/ou administrateur d’une petite dizaine d’entre elles, spécialisées, les unes, dans les « Conseils aux entreprises, l’architecture et l’achat-vente de biens immobiliers », le « service aux banques et instituts de crédit » et, les autres, dans « l’exploitation des institutions financières ».
C’est convaincu du fait que « le Salon [de l’auto] sera la vitrine des nouvelles technologies au profit de la mobilité » qu’il en a accepté récemment la présidence. Hélas, l’aventure fut de courte durée puisque le Salon a définitivement fermé ses portes : c’est fou ce que le libre marché peut être parfois contrariant…
Toutefois, c’est pour encourager l’investissement dans ces technologies nouvelles, qu’il s’est fait le paladin d’une modification légale de la LPP, la loi sur le 2ème pilier.
Son cheval de bataille ? l’élévation de 20 à 30% de la part de leurs avoirs que les caisses de pension pourraient convertir en actions. Une manne, puisque les avoirs des caisses dépassent les 1000 milliards de francs…
Pour que, comme le dit tout en candeur Alexandre, Guillaume, Pierre de…, « les jeunes entrepreneurs ne soient pas seuls à assumer les risques de l’innovation ».
Prendre des risques avec l’argent des autres, la voilà la bonne idée de ce membre de la direction de la Fondation romande pour la prévoyance professionnelle !
Et qui, histoire de ne pas trop toucher à la masse de fric disponible, soutient évidemment la baisse du taux de conversion, à savoir, de nos rentes du 2ème pilier… ♦
Stéphane Florey
Il est sans l’ombre d’un doute le plus atypique des archanges de l’Etat svelte. De par sa profession d’abord : ni avocat, ni gestionnaire de fortune et encore moins expert fiscal, Stéphane Florey, élu UDC est, d’après le site du Grand Conseil, « employeur » et « conducteur aux TPG ».
Employeur de son tram ou des nombreux chevaux-vapeur développés par le moteur de son bus ?
Mystère, mais de par l’étendue des intérêts dont il fait montre au Parlement -il est capable de légiférer tout autant sur les droits de l’anachorète de l’Allondon, à propos des crèches ou des obligations vestimentaires dans les piscines- tout semble possible.
Atypique, il l’est aussi parce que, contrairement à d’autres archanges, ce ne sont pas ses propres intérêts, voire ceux de sa boîte, qu’il défend au Grand Conseil.
Membre de la commission des transports -en sus de celles des finances, du logement et des S.I.- il n’a pas hésité à déposer un projet de loi visant à supprimer la « Loi sur une mobilité cohérente et équilibrée » adoptée par 68% des votant.e.s en 2016.
D’après lui, « la base [de la loi] n’était pas de supprimer des places de parques [sic !] » mais, « depuis 2016 il n’y a eu que des projets anti voitures [alors que] nous avons le libre choix du mode de transport de part [re-sic¨ !] la Constitution ». Pour un chauffeur de bus pris chaque jour dans les embouteillages…
Et c’est toujours lui qui vient de déposer un projet de Loi (PL) pour la gratuité du stationnement sur la voie publique de ces deux roues qui rendent parfois difficile la circulation des véhicules des TPG. On s’inclinerait presque devant tant d’altruisme…
Atypique, il l’est aussi car il dit tout haut et de manière fort crue ce que l’on pense tout bas et en termes choisis dans certains salons feutrés. A preuve, aucun de ses coreligionnaires a pris ses distances lorsque, à propos de l’augmentation du quota d’enfants par adulte dans les crèches, il a asséné qu’il n’y a point besoin « d’un bachelor pour torcher des fesses ».
L’accueil des petits, c’est connu, se résume à cela, essuyer des culs… Pourquoi diable dès lors engager des professionnel.le.s ? Du personnel auxiliaire, moins payé, suffirait, pour prendre en charge « deux ou trois mômes en plus, selon l’âge » ?
Ne confondant pas « la politique et l’éducation bourgeoise de ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche », ainsi que l’écrit à son propos son parti, l’UDC, Stéphane Florey s’engage : « pour moins de taxes, un réseau routier performant, des emplois et des logements pour nos résidents, une réorganisation de l’Etat, une immigration contrôlée et l’expulsion des trafiquants de drogue ».
Soucieux de l’indépendance des élus face aux lobby privés -notamment celui qui, ainsi qu’il l’écrit, « opère sous couvert de l’acronyme LGBTQIA+ »-, il ne bénéficie, lui, « l’employeur conducteur de bus », que du soutien de l’association qui opère sous l’appellation Pic Vert.
Vert, comme un sémaphore, of course…♦
Adrien Genecand
Feu son grand père, jadis député PDC, avait soutenu le GSsA, notamment dans la lutte contre l’achat des nouveaux avions de combat. Lui, député PLR, est major dans la brigade motorisée I, membre de la Société militaire de Genève et « poste » volontiers sur son compte facebook des photos de cimes enneigées que des jets de la patrouille suisse en exhibition survolent…
Lui, c’est Adrien Genecand, élu au Grand Conseil depuis 2018. Il y siège dans des commissions aussi essentielles -à l’exception de celle « des finances »- que « l’Aménagement du Canton », « l’Energie et les SI », « l’Environnement et agriculture » et « les Travaux ». Autant dire qu’il a son mot à dire sur pratiquement tout ce qui concerne la vie dans le Canton…
Une fois tombée la tenue militaire et quitté les bancs du Parlement, dans la vraie vie, Monsieur Genecand -après avoir exercé en tant que « conseiller en gestion patrimoniale au service d’une clientèle suisse fortunée» pendant plus de vingt ans chez UBS- est depuis septembre 2023 directeur adjoint de la banque Julius Bär.
L’institut a récemment connu des turbulences suite à des paris dans le domaine de la gestion de la Privat Debt, la dette privée, en Autriche. En 2023, avec la faillite du géant de l’immobilier René Benko, son bénéfice a fondu de moitié, se situant à 454 millions de francs, ce qui n’a pas empêché Julius Bär de verser un dividende inchangé de deux francs et soixante centimes.
En revanche, après avoir remercié son patron Ph. Rickenbacher, Julius Bär s’apprête à supprimer quelques 250 postes dans le but de réaliser une économie de 130 millions de francs. « Tailler dans le gras » pour rétablir les profits, une culture d’entreprise que ne renie point le directeur adjoint.
Ainsi, constatant que pour générer un franc de prestations publiques il faut dépenser 1.40 francs partout en Suisse mais 1,80 francs à Genève, Adrien en vient à se plaindre des « rigidités » qui privent l’Etat « d’agilité » et de plus de « possibilités de licenciement ».
Au nom du combat contre les « rigidités », il a également été à l’origine, en septembre dernier, d’un assouplissement des règles en matière d’assainissement des bâtiments, une mesure qui, « supprime toute obligation de rénovation pendant dix ans […] pour satisfaire quelques propriétaires immobiliers ». Antonio Hodgers dixit…
Classé par la journaliste Chantal de Senger parmi « ces politiques qui vivent avec leur ennemi » car marié à une Verte, Adrien Genecand œuvre en tant que directeur de Banque « au service des entrepreneurs et des cadres dirigeants afin de fournir une offre sur mesure dédiée aux besoins de ces clients ».
En tant que directeur de Banque, pas comme député. Car, tout comme en amour, il sait faire la différence entre mandat public et satisfaction des « besoins -privés- de ces clients »!
Auxquels il réserve les plaisirs « liés au vin, à la photographie et à la méditation » que propose « Blanc sur rouge », la petite entreprise dont il est aussi propriétaire…♦
Christo Ivanov
Lui, c’est un taiseux. Les envolées lyriques, les joutes oratoires, n’ont pas l’air d’être la tasse de thé de cet entrepreneur en parqueterie, habitué au concret, à l’essentiel.
Mais, s’il parle peu, il signe beaucoup et à propos de presque tout. Combien de fois ne trouve-t-on pas son nom au bas de projets de loi (PL) qui portent tout autant sur les finances publiques que sur l’horaire scolaire, la protection des voies respiratoires, l’anachorète de Satigny … ?
Un vrai législateur, quoi, capable de projets de portée générale, d’insinuer les valeurs de son parti, l’UDC, tout autant dans la gestion des deniers publics, dans l’organisation des places en crèche que sur les parties de l’anatomie féminine qu’un maillot de bain ne doit pas couvrir. Chapeau !
Le nombre de projets de loi, motions et questions écrites urgentes portant sa signature est immense et varié. Rien n’échappe à Christo : la modification « sous pression du lobby LGBTQ* » des noms de rues, le langage inclusif qui soumet le personnel de l’Etat « à une forme de dictature idéologique », la défense du sport « qui doit bénéficier des mêmes faveurs que la culture » ou encore les abris de la Protection Civile…
Mais comment fait-il, puisque, en sus de son travail comme patron de CHRISTO S.A., de la gestion de son autre entreprise, Du Longeron S.A., il officie aussi comme conseiller municipal de la ville de Genève, un mandat qui est, lui aussi, plutôt chronophage ?
Il est dès lors vraisemblable que nombre des textes par lui signés ne le sont que par discipline de groupe. Quoi de plus normal, d’ailleurs, que « l’esprit d’équipe » pour ce passionné de rugby, membre du comité du Servette Rugby Club ?
Et c’est d’ailleurs selon les règles du rugby que, les pieds bien plantés dans le sol, notre parqueteur avance : le ballon ovale, il le sort de la mêlée par des passes en arrière. Et elles sont nombreuses.
Ainsi, pour aller de l’avant en matière de mobilité, le pas en arrière s’impose en supprimant les timides mesures de limitation de la vitesse à 30 km/h et l’interdiction de garer les motos sur les trottoirs. Tout comme, pour avancer en matière de logement, il est selon lui indispensable de revenir en arrière sur les quotas de propriétés par étage prévus en zone de développement.
De même -tout en suggérant à la gauche « une psychothérapie de groupe [puisque] elle souffre d’un vrai problème avec l’argent »- il avance dans la défense des prérogatives de l’employeur qu’est l’Etat par un pas en arrière sur la réintégration des fonctionnaires victimes de licenciements reconnus par la justice comme abusifs.
Car, prétend-il, « la justice genevoise en annulant les décisions de licenciement et en ordonnant des réintégrations s’est octroyé le pouvoir d’organiser l’administration » Et si l’envie lui venait, à la justice, de s’en prendre aussi aux entreprises privées -CHRISTO et Du Longeron S.A. comprises ? ♦
Pierre Nader Nicollier
Contrairement à la signification de « Nader », son deuxième prénom, Pierre Nicollier n’est point timide ni n’a pas besoin d’être « encouragé à s’exprimer [et] à se faire plus valoir ». Car, pour ce qui est de s’exprimer et de se faire valoir toujours plus, cet adepte de NationBuilder, « le seul logiciel au monde pour les leaders » ne s’en prive pas.
Elu l’an passé à la Présidence du PLR, M. Nicollier dont l’ambition est de rassembler « celles et ceux qui font Genève » -ses potes, quoi- siège dans quatre commissions du Grand Conseil : la commission des « Grâces », celle de l’enseignement, celle du Personnel de l’Etat et celle de la santé.
Touché par la grâce qui lui a permis de bénéficier « durant dix ans dans une entreprise multinationale [Procter & Gamble Marketing] d’une large pratique dans la gestion », c’est des méthodes qu’il y a appris qu’il voudrait faire bénéficier le personnel de l’Etat.
« Généreux » -ainsi qu’il se décrit lui-même on-line– il ne va toutefois pas réserver son expérience à la seule collectivité publique.
Fort de ses activités chez Magellan S.A. –entreprise spécialisée en « projets médicaux ambulatoires, imagerie, et [ …] immobilier »- dont il fut Directeur général adjoint, il a ouvert son cabinet de « consultant en développement de stratégies d’entreprise » et est l’un des deux administrateurs de la Clinique du Belvédère et de l’entreprise qu’il a fondée, i-Radiology S.A. versée dans les opérations, en bon français, « of medical and dental Practices »
C’est tout naturellement que tant d’expérience dans le domaine de la santé -il est également Directeur administratif de mediX Romandie, un réseau de soins qui vise « une meilleure utilisation des ressources »- l’a amené à siéger à la commission de la santé.
Non pas pour y faire valoir les intérêts des cliniques privées -quoi que…- et batailler afin de réduire la voilure de l’Etat et de son champ d’intervention au profit des premières citées, mais pour faire bénéficier l’Hôpital public de leurs acquis : la « compression des coûts », la rationalisation de la gestion, la flexibilité du personnel, les contrats à durée déterminée et les salaires plus bas. De quoi, presque, lui dire « merci « .
Enfin, en matière d’école, tout en affirmant que le PLR entend « donner la main au Conseil d’Etat » – le prendre par la main, donc-, il s’était fait l’auteur d’un projet de loi (PL) des plus ébouriffants.
Considérant que « le référent pour les élèves doit pouvoir disposer de temps », son PL instaure l’obligation pour le maître référent, le prof de classe, « d’enseigner au moins la moitié » des heures dispensées dans la classe dont il a la responsabilité, le transformant ainsi en « maître généraliste »…
Auquel verser un salaire moindre pour six périodes d’enseignement supplémentaires ainsi que le préconise le PLR… ♦
Yves Nidegger
C’est parce qu’il n’est « plus à un âge de conquête personnelle de nouveaux territoires » qu’il a quitté le Conseil National pour un retour au Grand Conseil -il y avait siégé de 2005 à 2019- et certainement pas dans le but de défendre les intérêts de la petite entreprise de production de champignons qu’il exploite avec son fils Jérôme.
Car, s’il est une qualité à relever chez ce politicien de la droite dure, c’est l’abnégation dans le combat au nom des idées qui sont les siennes et dont il assume pleinement la définition : « conservatrices ». Un de ses collègues de l’UDC, Christo Ivanov, ne dit-il pas de lui que « c’est comme s’il avait un malin plaisir à toujours en remettre une couche, car il aime ce côté Winkelried et être tout seul » ?
Seul contre tous, il l’a été lorsque, fier comme Artaban, il a été l’unique opposant à un projet de loi (PL) encourageant l’accueil en famille des mineurs non accompagnés ; seul et fier de l’être, il le fut pour refuser l’interdiction à Genève des symboles nazis et convaincre l’UDC de le suivre…
Et esseulé, il l’avait été contre la majorité des députés romands de son parti lorsqu’il avait accusé publiquement Céline Amaudruz et Pierre-André Page de contribuer, par leur soutien au « mariage pour tous », rien de moins qu’à « l’effondrement de la Suisse » !
Responsable jusqu’en 1994 de la branche suisse de la secte Moon, Nidegger est affectionné aux grandes causes. Là où le militant bas du plafond éructe qu’il « est grand temps de f… ces étrangers dehors », Nidegger prend de la hauteur.
Il disserte sur « le niveau de la maturité fédérale [qui] n’est plus ce qu’il était », sur « la formation malade de l’immigration » pour avancer, telles des évidences, la nécessité de limiter le nombre de profs étrangers dans les universités et le triplement des taxes universitaires pour les étudiants venus d’ailleurs…
C’est pourtant le même Nidegger qui accuse la gauche d’inciter « une jeune garde rose-verte fanatisée à déboulonner les professeurs ». Virer les profs étrangers, OK, mais pas touche à l’Autorité des Nôtres…
Et c’est toujours en philosophant qu’il traite des dépenses publiques. Leur réduction s’impose, car « la gauche [étant] passée du côté des parasites », elle « mène dans les villes une politique sociale et fiscale qui invite […] à vivre en parasite ». Que diantre !
Supprimez-moi donc ces prestations publiques qui ne contribuent qu’à « augmenter le nombre des assistés et de leurs assistants ». Leurs « assistants » ?
Justement, les « sociaux », mais aussi le personnel soignant ou ces anciens « maoïstes […] qui [après avoir jadis] diffusé dans les écoles romandes le « petit livre rouge des écoliers » ont fait carrière dans l’enseignement, la culture subventionnée et les médias ».
Et auxquels il serait urgent et salutaire de couper … les vivres. ♦
Charles -Carlo- Poncet
« Vous n’avez toujours pas compris, mon Cher, que chez nous, à droite, les plus intelligents et compétents font carrière dans les affaires ? Après, pour les places au Conseil d’Etat, on prend ce qui reste… », me disait-il un jour où nous devisions à propos des exploits pugilistiques en boîte de nuit d’un Conseiller d’Etat libéral…
C’est probablement la raison pour laquelle, Lui, il s’est toujours contenté d’être député -jadis sous les couleurs libérales, notamment au Conseil National, et au Grand Conseil maintenant pour l’UDC qu’il vient de quitter suite à un … désaccord- tout en exerçant son métier d’avocat dans la vie civile.
Ferait-il partie de cette race élue d’avocats d’affaires genevois dont il se dit qu’ils n’accepteraient pas de causes portant sur moins de dix millions ?
Si tel était le cas, avec des honoraires à hauteur de dix pour cent de l’enjeu, il aurait tort de brader compétences et intelligence en briguant la charge de Conseiller d’Etat, une charge en fin de comptes à la portée du premier meunier venu (Müller, auf deutsch) et à la rétribution en comparaison fort modeste…
Contempteur zélé des « ongles incarnés » que laissent apparaître les Birkenstock de ces « enseignants gauchistes » dont il décrivit, dans feu L’hebdo, les prurits nauséabonds à l’entrejambe -n’évoquait-il pas les « gonorrhées et autres blennorragies » dont nous serions tous atteints résultant d’une dangereuse et soixante-huitarde liberté sexuelle ?- Charles Poncet a fait en 2023 son comeback au Grand Conseil après y avoir siégé, une première fois entre 1989 et 1993.
Président de sa commission législative et membre de la commission judiciaire et de la police, Carlo -ainsi qu’il aime à se faire appeler- s’est mis à l’œuvre à peine élu. Dès son entrée en fonction, il se fait l’auteur le 5 juin 2023 d’un projet de loi -le PL 13333- qui abroge la loi « sur l’égalité et la lutte contre les discriminations liées au sexe et au genre ».
Arguant du fait que « à force d’être brandi comme un saint sacrément […] le principe d’égalité a sombré dans l’absolutisme » et du flou qui entourerait la notion de « genre », c’est la loi dans son ensemble -adoptée par la majorité précédente moins de deux mois plus tôt- que son PL abroge.
Habitué à faire étalage de culture, d’intelligence et de sophistication, il reste toutefois muet devant l’assertion d’un de ses désormais ex coreligionnaires, pour qui, se poser en victime de discriminations « permet de focaliser l’attention sur soi, de se procurer de l’aide, de s’attirer de l’empathie, d’obtenir de l’argent… »
Un risque, celui de la fausse victime, du « profiteur » (des lois, de l’asyle, de l’AVS, de l’AI…), qui hante l’UDC et qui autoriserait toutes les entorses non seulement au principe constitutionnel d’Egalité mais à l’Esprit des Lois.
Que voulez-vous mon Cher, si c’est pour combattre l’absolutisme … ♦
Vincent Subilia
Jolie petite g… un brin canaille, cheveux gominés, le teint hâlé, il est le chouchou des médias. Dans lesquels, le Boss de la Chambre de commerce, de l’industrie et des services, la CCIG, dispense sans retenue sa Foi en un avenir (quasi) radieux et (surtout) libéral.
Directeur -dont le salaire, contrairement à celui des employé.e.s de l’Etat, n’est pas vérifiable sur Internet– de la CCIG depuis 2019, Vincent Subilia est, sans surprise, avocat, titulaire d’un master européen.
Au bénéfice, d’une « attestation en économie de l’Université de Genève », d’un diplôme en études diplomatiques, il a fréquenté le Gotha des Gardiens de la foi néolib à la Columbia University, à la London School of economics ou encore à la Harvard Businness School.
Dans la vie active, c’est d’abord comme sous-directeur et ensuite depuis le sommet de la pyramide, qu’il dirige la branche suisse de JP Morgan de 2003 à 2012 avant de devenir « officier de liaison » de la Banque Mondiale et membre des différentes chambres de commerce qui organisent les rapports économiques, avec la Chine, par exemple, ou les pays du Golfe.
Pourtant, les violations des droits humains perpétrées en Chine ou par Mohamed Ben Salman, le prince-boucher de l’Arabie Saoudite, n’ont pas l’air d’offusquer cet homme que, c’est lui qui le dit, « la convergence du syllogisme juridique de la maxime politique et de l’équation économique [ont] conduit à exercer les fonctions qui sont [les siennes] aujourd’hui ».
Vincent Subilia « connaît de l’intérieur les besoins réels des entreprises [et est] capable de trouver le juste équilibre entre les besoins de l’économie et les aspirations des citoyens ».
Le compliment est de Claude Béglé, ex-patron de Nestlé, de DHL, de DPD et de La poste ; il figure en toutes lettres sur le site personnel de M. Subilia.
Dis-moi qui te félicite et je te dirai qui tu es…
Il comprend parfaitement les besoins de l’économie ? Qu’on en juge : c’est « normal et acceptable -dit-il à La Tribune de Genève- de s’endetter pour ses investissements. L’endettement pour financer les frais de fonctionnement de l’Etat est en revanche inacceptable ».
Pour l’économie privée, financer les hôpitaux publics, les écoles, les services sociaux, ne rapporte pas grand’chose en termes de retombées immédiates. Ce sont des dépenses, pas des investissements.
Mais la novlangue néolib, fait des miracles : elle transforme même la notion de « dépenses ». Qui se muent en « investissements » dès qu’elles favorisent les bénéfices des entreprises, les 2400 affiliées à la CCIG ou à d’autres chambres de commerce dont le beau Vincent sait faire valoir les « besoins réels ».
Contre rémunération, of course. Mais combien ? ♦
Yvan Zweifel
Nanti d’un patronyme alimentaire, Yvan Zweifel, député PLR, membre de la commission des finances, de celle de l’économie et de la commission fiscale, ne ressemble en rien à certains de ses pairs, ces demi-dieux de droite touchés sur les font baptismaux par la Grâce, celle qui accompagne les héritiers des bonnes familles.
Point de hautes écoles, de titres ronflants, de stages à Boston ou la First national City Bank, pas de domiciliation du côté de Malagnou ou de Collonges, et pas non plus de particule pour cet expert-comptable, sorte de self made man.
C’est l’expertise, la sienne, qui lui a permis de franchir les échelons.
C’est au numéro huit de la rue de la Rôtisserie qu’il concentre l’essentiel de ses activités, celles qui … comptent.
L’adresse est prisée, puisque pas moins de trente-neuf sociétés déclarent leur siège -et y ont en tout cas une boîte à lettres- dans cet immeuble qui ne compte pas pour autant ne serait-ce que la moitié de trente-neuf étages.
On doit s’y entasser comme des chips dans leur paquet, dans ces bureaux !
Est-ce la raison pour laquelle, sur la photo officielle des administrateurs de SOFAD S.A., trois sur quatre posent en manches de chemise, le seul endimanché étant Zweifel ?
Nombreuses sont ainsi les sociétés qui jouent l’incruste chez lui. Elles sont actives dans la défense « des intérêts de [leurs] clients », à l’image de celle qu’on vient de citer -Yvan Zweifel en est membre de la direction- qui se revendique d’ « une éthique fondée sur l’intégrité et la transparence ».
Yvan siège dans les Conseils de neuf d’entre elles. Il est ainsi le seul membre du comité de direction de YZ Only S.A., basée à la rue de la Rôtisserie, dont le but est « l’acquisition, la détention, l’administration, la gestion, la vente en Suisse et à l’étranger de toutes participations à toutes entreprises ».
« En Suisse et à l’étranger » ! Voilà pourquoi, parmi les administrateurs des sociétés de la Rôtisserie, figurent souvent des personnalités vivant dans différentes capitales européennes ! Que ce soit pour investir à l’étranger ou transférer des capitaux en Suisse, quoi de mieux qu’un bon contact sur place ?
La gestion de la cohabitation de la Rôtisserie ne lui prend pas pour autant tout son temps : Yvan Zweifel est aussi co-directeur de GRIE, Sàrl, domiciliée à Zoug et spécialisée dans le développement de projets immobiliers, la fourniture de services et l’import-export de biens alimentaires… «de luxe ».
Gagner du fric en comblant les besoins des vrais nantis en caviar, grands vins et foie gras !
A condition qu’on ne laisse pas le fisc les dépouiller…♦
Avec autorisation (voire encouragement) de reproduction,
je tiens à remercier
Géraldine F.
qui a accepté avec grande compétence de relire et corriger ces textes et
Mauro P.B.
qui s’est prêté au rôle de cobaye sur laquelle j’ai testé la clarté de ce que j’ai écrit.
Genève, février-juin 2024
[1] Rendons à César ce qui lui appartient : c’est à un blanc et prou Chevalier de La Croisade des Nantis, tôt disparu, qu’on doit la formule « Etat svelte », bien moins rustre que le « moins d’Etat » à la portée de n’importe quel gueux…
[2] L’ordre de présentation n’est point défini par le mérite, sinon par l’alphabet…
Instructif et élaboré, bravo.