Elles financent la guerre de Poutine !
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Paolo Gilardi, 19 juillet 2025
Alors que l’Union européenne tout comme le parlement suisse engage des milliards dans l’armement pour contrer les appétits impériaux de Vladimir Poutine, des publications récentes mettent en évidence le rôle de certaines multinationales dans le financement de la guerre de Poutine.
Explications.
Un faible rendement par homme perdu
D’après The Economist, repris par le quotidien italien La Stampa (11 juillet),l’effort de guerre coûte fort cher à la Russie, tant en vies humaines qu’en roubles sonnants et trébuchants.
En termes de vies humaines, le bilan est terrible. Depuis le 1er Mai dernier, l’armée russe aurait ainsi perdu quelques 31’000 hommes. Sur la base des données disponibles quant au nombre de troufions russes tués, l’hebdomadaire britannique a calculé un ratio, depuis février 2022, de 0,038 km2 de territoire gagné par soldat perdu.
Autrement dit, selon ce calcul macabre du rendement par homme perdu, il aura fallu en moyenne la mort de 28 jeunes russes pour le gain d’un seul km2 ! A ce rythme, il faudrait 89 ans à l’armée russe pour occuper l’Ukraine.
Dès lors, le Kremlin intensifie l’effort de recrutement avec l’engagement de 15’000 hommes de troupe par mois.
Mais cela a évidemment un coût. D’après les estimations, depuis le début de l’année, la Russie aurait dépensé plus de 2% de son PIB pour les frais de personnel, un pourcentage qui devrait atteindre 9,5% à la fin de l’année.
En termes comptables, le coût de la guerre pour les six premiers mois de 2025 représente l’équivalent de quelques vingt milliards d’euros.
Les principaux postes constitutifs de ces coûts sont représentés par les frais d’engagement -les primes à l’engagement versées atteignent facilement l’équivalent de 20’000 euros-, la paie des soldats ainsi que les dédommagements versés aux blessés et aux familles des soldats morts.
Cette dernière dépense représente, pour ces six derniers mois, un montant équivalent à 750 millions d’euros, un montant qui n’est pas nécessairement dû à des indemnisations particulièrement élevées.
De leur côté, les fortes primes à l’engagement combinées à la pénurie de main-d’œuvre -42% des entreprises russes seraient en sous-effectifs- provoquent une logique inflationniste difficile à gérer à long terme.
Toutefois, les économistes sont presque unanimes à prétendre que si l’économie russe va connaître des problèmes majeurs, elle n’est pour autant pas au bord du gouffre.
Elles n’ont pas quitté la Russie
Lors du début de l’agression en février 2022, le nombre de sociétés occidentales ayant une activité plus ou moins importante en Russie se montait à 4077. Trois ans plus tard, seules 503 d’entre elles, soit à peine 12%, avaient mis un terme à leurs activités et quitté définitivement le pays.
Les autres 3500 et quelques qui y sont restées sont actives essentiellement dans la production et distribution de biens de consommation, dans le secteur bancaire et dans la pharma.
Il s’agit, selon une liste non exhaustive -la liste complète vient d’être publiée par le KSE Institute, l’école d’économie de Kiev-, de Mars, Procter&Gamble, Philipp Morris, PepsiCo, Coca Cola, toutes sociétés ressortissantes de pays du G7. D’illustres représentantes du capitalisme helvétique leur tiennent compagnie : Nestlé, Novartis et Raiffeisen, notamment.
Et elles y paient taxes et impôts
Restées actives sur place, ces sociétés paient des impôts à l’Etat russe contribuant ainsi à l’effort de guerre. En 2023, les seules entreprises occidentales actives dans le secteur des biens de consommation ont payé des taxes et impôts pour un volume de l’ordre de 15 milliards de dollars.
Si on y ajoute les montants payés par les entreprises actives dans d’autres secteurs, la somme s’établit à 21.6 milliards de dollars, soit à un tiers du budget consacré par la Russie à la guerre en 2025.
10 US$ versés à l’Ukraine et un dollar aux Russes,
Ainsi, le KSE Institute, cité par La Stampa, peut affirmer que « les sociétés dont le siège est dans les pays du G7 et de l’UE engagés à soutenir l’effort de défense ukrainien, demeurent parmi les principaux contribuables au Trésor de la Russie. Pratiquement, pour 10 dollars versés [à l’Ukraine] par les gouvernements du G7, les sociétés respectives [ressortissantes de ces pays] en ont payé un en taxes aux Russes ».
Dès lors, au moment où on agite à longueur de journée le spectre de la menace que le nain du Kremlin ferait peser sur l’Europe, ce n’est pas en augmentant massivement les dépenses militaires qu’on devrait y faire face mais en prenant des mesures contre ces sociétés afin de les forcer à se retirer de Russie.
Cour martiale ?
Car, si on était en guerre, la poursuite de leurs activités en Russie ne pourrait être considérée que comme une forme de collusion avec l’ennemi, donc, de la haute trahison.
Un crime digne de la cour martiale. ♦
19 juillet 2025